La SNCB accuse Electrabel d'abus de position dominante
L’affaire a été plaidée hier, en néerlandais, devant la 20e chambre du tribunal de première instance de Bruxelles, présidée par Pierre Valvekens, entouré de deux autres juges.
La SNCB estime qu’Electrabel a abusé de sa position dominante sur le marché. Elle base l’essentiel de son argumentation sur des études réalisées par la Creg, le gendarme du secteur énergétique. Des études qui arrivent à la conclusion qu’entre 2005 et 2008, Electrabel et SPE ont facturé 1,5 milliard d’euros en trop à leurs clients industriels, pour des certificats de CO2 qu’ils avaient reçu gratuitement – ce sont les fameux "windfall profits".
Le phénomène n’est pas typiquement belge, soulignent les avocats de la SNCB, qui font notamment référence à une décision de l’office fédéral allemand de la concurrence, qui a jugé que RWE et E.ON avaient abusé de leur position dominante en répercutant à leurs clients la totalité des coûts des certificats de CO2 qu’ils avaient, pour une bonne part, reçus gratuitement. Finalement, RWE s’est engagée, en échange de l’abandon des poursuites, à vendre une série de capacités de production en Allemagne. Le dossier E.ON, lui, a été transmis à la Commission européenne.
La SNCB a demandé l’accès à la comptabilité d’Electrabel, ce qu’elle s’est vu refuser. Compte tenu du nombre de mégawatts heures facturés et des calculs de la Creg, la SNCB estime qu’Electrabel lui a facturé indûment, via Infrabel, 37 millions d’euros pour les années 2005 à 2008. "S’il n’y avait pas eu ces suppléments CO2, l’électricité aurait été moins chère, et la SNCB serait moins pauvre", a conclu l’avocat Tim Vermeir.
La SNCB réclame 50 millions d’euros de dommages et intérêts, ainsi qu’un euro provisionnel pour les années 2009 et 2010.
Electrabel nie toute forme de "windfall profits" liés au CO2. Ses avocats ont d’abord argumenté que le contrat conclu avec Infrabel résultait d’un appel d’offres, dans lequel Infrabel avait non seulement demandé un prix fixe pour deux à trois ans, mais aussi un prix "all in ", tout compris. Une procédure au terme de laquelle Infrabel a décidé de retenir l’offre d’Electrabel, se félicitant même, à l’époque, des bonnes conditions obtenues.
Concernant les études de la Creg, qu’Electrabel a toujours critiquées, Annick Vroninks, avocate d’Electrabel, a plaidé qu’il s’agissait "d’études générales, théoriques et hypothétiques", qui ne calculaient pas dans quelle mesure un fournisseur donné aurait facturé ces certificats de CO2 à un client donné, mais bien une moyenne pour le marché - sur lequel Electrabel reconnaît toutefois être un acteur important.
Electrabel nie avoir facturé des suppléments CO2 à Infrabel, et souligne qu’il est impossible, dans un contrat "all in", d’isoler l’un ou l’autre composant. Et même si ces bénéfices avaient vraiment été engrangés par Electrabel, ce qu’elle nie, encore faudrait-il prouver qu’ils sont illégaux, ou qu’Electrabel a abusé de sa position dominante, ont plaidé ses conseils. "Quelle est la faute d’Electrabel? a interrogé Annick Vroninks en guise de conclusion. D’avoir participé à un appel d’offres et d’avoir offert un prix fixe ?"
Le jugement devrait être prononcé en septembre prochain. Si la SNCB obtenait gain de cause, d’autres gros clients industriels risqueraient d’entamer des procédures similaires.
(c) L'Echo 2010