GDF Suez: les risques pour la Belgique

Artikel van Ariane Van Caloen uit La Libre Belgique van 7 september 2007

GDF Suez: les risques pour la Belgique
* La fusion suscite des inquiétudes, notamment en raison de la forte présence de l’Etat français dans le capital.
* Et la Pax Electrica II ne dissipe pas les craintes…

Que n’entend-on pas depuis que le nouveau projet de fusion entre Suez (maison-mère d’Electrabel) et Gaz de France (GDF) a été annoncé lundi ! En France, les syndicats s’inquiètent d’une hausse des prix de l’énergie sur fond de “privatisation” de GDF. En Belgique, on parle de “nationalisation” de Suez et donc de l’électricité belge qui, soit dit en passant, était passée sous bannière française déjà depuis belle lurette. Les déclarations politiques à propos de la Pax Electrica censée améliorer la concurrence sur le marché belge de l’énergie vont dans tous les sens. Avec quelques contre-vérités. Essayons d’y voir clair.

1. En quoi cette fusion pose-t-elle un problème en Belgique ? Il y a tout d’abord les problèmes de concurrence qui ont amené la Commission européenne à imposer certains remèdes (lire aussi ci-contre) dont la cession de Distrigaz (qui se fera sous forme d’échanges d’actifs). Plusieurs sociétés, à commencer par EDF, ont déjà manifesté leur intérêt pour la filiale de Suez. “Quelle sera la politique du repreneur de Distrigaz vis-à-vis du pays ? On va se priver d’un acteur qui pensait à la Belgique”, souligne un expert. Il y a là un élément d’incertitude pour l’approvisionnement de gaz. Au niveau de l’électricité, GDF, qui détient 25 pc de la SPE (2e producteur d’électricité en Belgique), il n’y a pas de crainte particulière à avoir.

2. En quoi le fait que l’Etat français détienne plus de 35 pc du nouvel ensemble est dangereux pour la Belgique ? Comme on le disait, les Français avaient déjà mis la main sur l’électricité belge dès l’instant où Suez avait plus de 50pc d’Electrabel. La différence de taille, c’est que GDF Suez aura comme premier actionnaire l’Etat français. Ce dernier peut-il, comme le craignent les Ecolos, laisser les tarifs bas en France et appliquer des tarifs plus rentables en Belgique ? On pourrait le penser vu ce qu’a dit Jean-François Cirelli, le patron de GDF. “Ces évolutions de Gaz de France n’auront pas de répercussions sur les prix du gaz. Les prix resteront contrôlés par l’Etat”, a-t-il déclaré lundi à la conférence de presse. Mardi, il remettait cela. Il y aura “un combat à mener” contre la Commission européenne si celle-ci veut un jour supprimer les prix réglementés du gaz, fixés par l’Etat, a-t-il dit. Soit Cirelli dit cela pour éviter une levée de bouclier en France, tout en sachant qu’il ne pourra pas aller à l’encontre des règles européennes. Soit, poussé dans le dos par Nicolas Sarkozy, il pense ce qu’il dit et on peut y voir un indice d’interventionnisme étatique qui n’a pas de quoi rassurer de ce côté-ci de la frontière.
D’après Tim Vermeir, avocat chez Loyens spécialisé dans les matières énergétiques, la présence de l’Etat français représente un danger dans le cas de figure (assez exceptionnel) où “il y a une crise énergétique mondiale”. Dans ce cas-là, il pourrait encourager des décisions qui favoriseraient d’abord sonpays.

3. La Pax Electrica apporte-t-elle un garde-fou suffisant ? On peut tout d’abord se demander pourquoi les représentants de Suez, dont Etienne Davignon et Jean-Pierre Hansen, ont montré une telle bonne volonté pour réaffirmer leurs engagements. Première explication possible : ils ne veulent pas se mettre à dos le monde politique belge alors qu’ils espèrent obtenir un rallongement de la durée de vie des centrales nucléaires. Autre possibilité : ils font profil bas après le tohu-bohu provoqué par l’annonce en juin de la hausse des tarifs de gaz.
Tim Vermeir avance une troisième possibilité. La deuxième note d’Yves Leterme va plus loin que la Pax Electrica II, constate-t-il. L’ex-formateur parle de la mise en place de plusieurs producteurs en Belgique (et pas seulement de trois). Il avance d’autres pistes comme les ventes aux enchères de capacités de production.

“Golden share”

Si Tim Vermeir est convaincu qu’il faut aller au-delà de la Pax Electrica pour améliorer la concurrence en Belgique, il reste en revanche sceptique sur l’idée de la “golden share” (qui donne un droit de veto sur toute décision qui irait à l’encontre des intérêts nationaux en matière énergétique). “L’Etat belge a déjà une golden share au niveau de Fluxys et Distrigaz. Il n’en a jamais eu au niveau d’Electrabel. Je ne vois pas comment il pourrait exiger plus que cela”, souligne-t-il.